Cadeau de fête
Je me réveille à l’hôtel et je tente de faire un calcul simple. Dans la dernière semaine, combien de choses ai-je faites pour faire plaisir aux autres, et combien de choses ai-je faites pour moi ? La majorité des choses, je les ai faites pour plaire aux autres. C’est pour ça que j’ai passé la nuit dans cet hôtel.
L’homme m’a embrassé dans la rue, je ne voulais pas. Je voulais l’embrasser, oui, mais je ne voulais pas qu’il m’embrasse en public. Pas qu’il me faisait honte, mais il voulait montrer qu’il m’avait pendant qu’il m’avait. Parce qu’il savait qu’il ne pouvait pas m’avoir à volonté, que le lendemain après le check out, c’était fini pour un bout. Ma présence, cette fois, c’était son cadeau de fête.
Une odeur de merde nous attendait dans la chambre. Moi, ça a éteint mon appétit sexuel. Lui, je ne sais pas, il a sorti de son sac un flacon de parfum et s’est mis à en asperger dans l’air.
Le sexe n’était pas aussi bon que d’habitude parce qu’on voulait prendre notre temps. On se retenait. La vue sur la ville était belle. Ça devait coûter cher, mais je ne pensais pas trop à ça ; de l’argent, j’en ai vu, ça ne m’impressionne plus. Je n’avais qu’un fantasme en tête : relouer la chambre à moi seul, dans les jours suivants, et venir y écrire toute la nuit comme dans les films. J’avais envie d’écrire un thriller captivant avec des personnages qui ne me ressemblent pas. Hier soir, j’étais vraiment tanné de ma façon de faire de l’art.
Il a commandé de la bouffe, et là, pour moi, c’était trop. C’était l’abondance dont je me serais passé.
J’ai mal dormi parce qu’il ronflait et hurlait.
Ce matin, j’ai mal dans le cou et aux poumons (ça me fait toujours ça quand je dors avec quelqu’un). Je réussis à éviter ses avances. Il est gentil, il ne me force jamais à baiser, je l’aime vraiment. On prend le café devant une compétition de gâteaux de Noël à la télé. Lui n’aime pas l’émission, mais je ne lui offre pas de changer de poste, je veux savoir qui va gagner.
Je suis parti. Dans le métro, je me promets qu’à l’avenir je vais toujours me demander : est-ce que j’accepte ceci pour faire plaisir à quelqu’un ?
Ce cadeau de fête était au-delà de mes forces. Mais c’est bien de ma faute. C’était un cadeau de fête oui, mais c’était sous-entendu que j’y trouve autant de plaisir que lui, pas que je m’offre en sacrifice.
Je pense qu’on n’a pas fourré autant qu’il aurait voulu. C’était moins torride que la fois de l’autre hôtel. La chimie n’opérait pas. D’ailleurs, de temps en temps, je pense qu’il essayait de reproduire les scènes de cette fameuse fois, quand il s’est assis sur le fauteuil, par exemple, je ne sais pas, on dirait qu’il avait une chorégraphie en tête.