I hate my life de bonne humeur
En revenant de chez Costco, toutes les voitures me faisaient penser à un amant blond que j’ai déjà eu. Il jugeait les gens par rapport à leurs voitures. Avec lui, j’ai appris à identifier plein de modèles. Ça m’a rendu meilleur, une personne moins petite, avec des sujets de conversation en plus. Avant de le rencontrer, jamais je n’aurais voulu de voiture. Maintenant, j’en veux une. Je voudrais une Tesla ou une Range Rover. J’aimerais pouvoir lui dire : je retiens aussi de bonnes choses de notre relation.
Il pleuvait et je conduisais la Mazda de papa. Mon amant avait dit que c’était quand même un nice car, et depuis, je suis fier de la conduire. À un feu de circulation, je me suis demandé si j’avais bien fait de devenir artiste. Je pourrais faire autre chose.
Mon amie pendant son vernissage samedi m’a parlé de mon journal et m’a dit qu’elle avait peur pour moi. Elle trouve que c’est un jeu dangereux, de m’exposer comme ça aux commentaires.
La prochaine étape, dans mon plan, c’est de m’ouvrir un OnlyFans, mais là, puisque je trouve ça déjà difficile de publier mon journal, je me demande si c’est une bonne idée d’exposer mon anus, et surtout avec sa cicatrice. Faut que j’y pense. J’ai peur d’appartenir à tout le monde sauf moi. En même temps, ça me fait sourire.
Hier, j’ai rencontré une autrice qui dirige un collectif sur la honte et elle m’a demandé si je voulais parler de ma cicatrice. Je trouvais que c’était une bonne idée, mais malheureusement, j’en ai déjà assez parlé.
Je puais de la gueule, je sentais l’ail.
Au lieu de mon anus, pour la honte, je vais parler de ma formation d’acteur.
L’autre jour, je suis allé au théâtre et j’ai eu envie de remonter sur scène. Ça m’a étonné. En fait, je sais ce que c’est, mon problème avec le théâtre, c’est que je suis jaloux des gens sur scène, pas de leur métier, mais du spotlight qu’ils ont, de leurs visages sur les affiches dans le métro, de leurs crises de larmes, de leurs corps dans des décors, dans toute cette mise en scène, tout le glamour qui vient avec. Ça, je le veux, mais jouer, le vrai travail de jouer, non.
À mon retour de chez Costco, dans le char, je me disais : tout le développement personnel que je fais, toutes les prières que je récite, tout le travail que je m’oblige à faire et que je crois être bon pour moi, pour l’humanité, la vérité, la bonne chose, le droit chemin : et si je me trompais ? Quand je pense à ça, je me dis : ok, mais sans joie et sans bonheur, il n’y a aucune raison d’être ici. En même temps, je me sens coupable d’être de bonne humeur puisque si peu de personnes ont ce privilège. Je pense souvent à ça quand il pleut comme aujourd’hui.
Là, je dois faire une sieste. Ma peine d’amour me fait dormir tout le temps, c’est comme si elle voulait m’éteindre pour me protéger de réécrire un courriel comme j’ai écrit samedi :
« why do i still love you-FUCK!! i hate my life »