Paintball et Pierre Pivoine
27 mars 2022
Pierre Pivoine a su, en lisant mon journal, que j’avais recouché avec l’homme du livre. Il se demande, par contre, si ce n’est pas plutôt de lui, Pierre Pivoine, dont il est question dans le texte. Tous les hommes pensent tout le temps que c’est eux, mais non, calmez-vous, je ne pense pas qu’à vous. Il dit qu’il doit figure it out, mais tabarnak, moi ça fait des mois que je dois figure out qu’il a du sexe avec tout le monde sauf moi. Je veux être avec lui, mais il ne le sait pas, je ne lui demande pas, parce que je sais qu’il ne peut pas, alors moi je fais semblant de ne rien vouloir. Je reste. Je suis là, il peut faire ce qu’il veut de moi, je reste là.
C’est aussi toutes les petites blagues que Pierre Pivoine me fait. Quand on dit qu’on va habiter ensemble dans une maison, mais des étages séparés, et qu’il me dit : « Je vais prendre le rez-de-chaussée, comme ça je peux faire venir des gars discrètement sans que tu t’en aperçoives. »
Pendant le déménagement de mon amie, je voyais son colocataire, il est homosexuel, et je me demandais s’il connaissait Pierre Pivoine, s’il s’était déjà fait baiser par lui, et quel souvenir il en gardait, était-il respectueux ? Est-ce que je devrais avoir honte de l’aimer ? Est-ce qu’il a bonne réputation ?
29 mars 2022
J’ai détesté le paintball, je pensais pourtant que j’allais aimer ça. À un moment donné, je me suis caché derrière un mur. Je tremblais, je ne pouvais plus bouger. Mon cœur battait fort et j’avais du mal à retrouver une respiration normale. J’ai repris mes esprits. C’est juste un jeu. J’ai sorti mon épaule pour voir s’il y avait quelqu’un à tirer, mais j’ai tout de suite reçu une balle dans l’épaule.
On retournait dans la pièce à côté quand on était éliminé ou que la partie était finie. Dans cette pièce-là, je ne voulais pas enlever mon casque. J’avais peur que quelqu’un tire une balle par accident. Je regardais les deux filles qui jasaient. Elles, après le premier match, elles s’étaient découragées. Elles n’avaient pas aimé ça. Je ne voulais pas être avec elles. Je ne voulais pas être celui qui ne participe pas parce qu’il préfère jaser. C’est ça que j’ai été toute ma vie. Antoine n’aime pas aller jouer dehors. Antoine, il reste en dedans et il jase avec les femmes.
Alors je suis retourné dans la zone de combat. Pendant la partie, le chum de mon amie a voulu me parler de stratégie, mais je ne comprenais rien, mes oreilles bourdonnaient. C’était comme à l’école, j’étais le joueur faible de l’équipe. Je n’ai pas changé et c’est ça que le paintball m’a fait voir, c’est ça que j’aurais dû répondre à mon amie qui m’a demandé pourquoi, dans la salle à côté, je restais silencieux : parce que j’étais déçu de moi.
Au souper, j’étais de meilleure humeur. Mon amie m’a touché le bras et elle a dit : « T’es dur. » Elle disait que tout mon corps était ferme, elle s’est excusée, même, de tellement me toucher partout. Mais j’aimais ça.
Plus tard, une autre fille, une amie de mon amie que je n’avais pas vue depuis très longtemps, m’a dit que j’étais devenu musclé, que j’étais beau avant, mais que là, j’étais devenu un autre homme. Et mes cheveux longs, aussi, elle aimait ça. Ça m’a fait du bien.
En route vers chez moi, j’ai téléphoné à Pierre Pivoine. J’étais intoxiqué et je lui ai ouvert mon cœur. Je lui ai tout dit. À la fin, il ne pouvait plus rien dire, alors il a dit « ok » et il a raccroché. J’ai pensé que c’était peut-être la dernière fois qu’on se parlait.