Poussière rouge
Les filles avaient tellement de beaux colliers, de belles bagues. Elles les achetaient je ne sais plus où. Pas au dépanneur où le caissier tire sur les jeunes avec son gun, mais plus loin dans Rouyn. La pierre changeait de couleur selon ton humeur.
Il n’y a rien de plus triste que maintenant. Quand le soleil se couche, c’est pire, la poussière : sur le lit, sur mon boîtier à verres de contact, sur les sièges de la BMW, sur mon reçu de l’hôpital de Nassau, juste 66 dollars et j’ai encore la main bleue, là où l’aiguille est entrée dans ma veine.
La poussière, c’est chaque fois que quelqu’un crie. Que ce soit chez les voisins ou sur l’autre continent. « Coupable », dit la poussière rouge.
Au gym, le gars se promène. Il montre une photo d’un char à tout le monde, pour savoir si c’est le leur, et le monsieur dit : « Je comprends pas pourquoi tu me montres ça », avec tellement de violence.
Quand j’entends l’autre dire, assis sur sa chaise molle : « People must die », ça me glace le sang.
Avant de me coucher, je me perds dans mon iPad. Mais un matin, l’écran de mon iPad est brisé. Quelqu’un a marché dessus et ce n’est pas moi. Sans nulle part où me perdre, que me reste-t-il, à part le chemin que cet autre a tracé pour moi ?
Histoire de ma Wassily Chair :
J’étais allé la chercher près de Shops Angus à pied.
Elle coûtait 199 $.
Je savais que c’était une fausse, mais je faisais plaisir au vendeur : je faisais semblant de me faire avoir. Il avait un beau sourire, celui d’un crosseur. Mais à ce prix-là, il ne me crossait même pas. Je le revois, assis sur le dossier de son divan, les bras croisés à attendre le virement. Un crisse de Français. « Du coup, j’ai perdu les papiers d’authentification. »
Ismaël disait que c’était sexy. Ma sœur disait que c’était une chaise des tortures. Et là, il dit que c’est inconfortable. Ma belle chaise.
J’ai fini par céder.
À la place de la chaise, il y a un divan sans âme.
Je mange ma moulée dans un bol en métal — il y a en partout comme un enfant. Ma crisette durera tout l’hiver. Je le sais, je suis comme ça.