Quelque chose de doux et de lumineux
est-il possible de continuer à détruire les églises
à les déraciner de leur parvis
—Chloé Savoie-Bernard, Sainte Chloé de l’amour
Mardi, après avoir publié ma première entrée de journal, je sors marcher. J’ai oublié un mot dans la dernière phrase du texte, la plus importante. Je n’aurais jamais dû me prétendre plus talentueux que l’autre écrivain gay. La panique me gagne.
Je cherche une église. J’en trouve une laide. Les portes sont fermées. Je tire. Je force. Je donne des coups. Une église, ça doit rester ouvert. On doit pouvoir entrer. Je regarde à travers la vitre. Je revois mon enfance, l’allée, l’autel, les lampions, mes trois sacrements. J’étais premier de classe, mais je ne me pensais meilleur que personne, j’étais encore humble. Je me soumettais à tout. Qu’a-t-on fait aux églises?
En descendant les marches pour retrouver le trottoir, je pense à l’homme que j’ai laissé, celui que j’aime encore. Il l’aurait fait ouvrir pour moi, l’église, lui. Il avait tellement de pouvoir. Partout où il allait, ça s’ouvrait. C’était un businessman.
Arrivé chez moi, je cherche encore une église. Je commence le nouveau livre de Chloé Savoie-Bernard en pleurant: «Il y a longtemps qu’avoir été première de classe / ne signifie plus rien».
Hier, en cherchant toujours une église, je visite Costco avec ma sœur; ça me rappelle le quotidien avec le businessman. Ça me fait du bien. On se prend en photo devant une ring light. J’hésite à en acheter une.
Quand on sort, le soleil se couche. C’est doux et lumineux. Je commence à sentir l’église s’ouvrir.
Aujourd’hui, c’est plus difficile. Après des mois de silence, je réponds au businessman. Je lui dis: «Fuck. Je suis en criss. Tu me manques. Personne autour de moi ne croit en Dieu. Je n’ai personne à qui parler. Personne ne me demande si j’ai prié, personne n’est doux, il n’y a de lumière nulle part. Et même toi, quand je t’avais, tu étais méchant.»
Je me revois aux portes de l’église, mardi, forcer comme un malade pour qu’elles cèdent. Je veux que le businessman se change en Dieu, qu’il m’ouvre les portes de son église, qu’il m’écoute, qu’il me protège, qu’il me prenne dans ses bras, mais il en est incapable.
Je me ressaisis. Souviens-toi, Antoine, que tu t’es procuré ta propre carte Costco. Je n’ai plus besoin de lui et de sa carte de membre pour que le monde s’ouvre à moi.