Un autre écrivain gay
Un autre écrivain gay m’écrit. Il a fini mon dernier roman, mais il ne me dit pas qu’il l’a aimé.
«Je te mets au défi d’écrire quelque chose de doux et de lumineux la prochaine fois.»
Je baisse les stores, tire les rideaux. Ma voisine fume sur son balcon. Elle se demande pourquoi je ne sors jamais sur le mien, de balcon. Pourquoi je reste enfermé dans la noirceur? Je me suis emmuré tout l’été parce qu’un homme que j’aimais me rendait misérable. Les autres gays ont eu leur saison, eux, c’est connu, ils font la fête ensemble, tous les corps pareils, dans de beaux appartements, on s’interroge à savoir qui couche avec qui, on essaie de le deviner sur les photos. L’automne arrive et j’ai du mal à accepter que je reste encore chez moi, que la douleur persiste. Et l’autre écrivain gay qui me met au défi d’être doux et lumineux. À quel genre de vie homosexuelle a-t-il eu droit, cet écrivain, pour oser demander ça? Dans quels bars sort-il et à quelle heure?
Je lui réponds.
«Moi, je te mets au défi d’écrire quelque chose de bon.»